la seigneurie d'Anniviers |
Les neiges de sang à Louc |
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Il y avait donc ce jour-là, plusieurs plaignants qui attendaient leur tour. Les bergers patientaient devant le ballios , la tour de bois où la justice était rendue. Guillaume ne pouvait paraître dans la cour avec le mulet, les bergers se seraient jetés sur lui, l’accusant de vol et de complicité avec la Faunche.
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- Mais la Faunche, elle a fait tomber la neige de sang sur la montagne ! (...) Guillaume dirigea résolument le mulet vers une grande plaque de neige couleur sang. Il décrocha l’un des seillons et entreprit de récolter la neige superficielle en raclant le dessus de la couche avec le récipient de bois. Une fois ôté la première pellicule, le dessous était aussi blanc que le lait qui emplissait le seillon auparavant.
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la cour neuve |
Louc |
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Il entendait encore, au loin derrière lui, sonner le tocsin qui annonçait que la mort avait frappé au coeur d’Anniviers. Suivant le conseil de Guillaume, sire Jean avait finalement pris ses quartiers à la Cour neuve , dans le centre du bourg.
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Il arriva en vue du petit mayen en lisière de forêt. Il attacha la longe à l’anneau scellé dans le mur. Etait-elle à l’intérieur ? Il s’apprêta à frapper à la porte torréfiée par les étés lorsqu’elle s’ouvrit. Ils se dévisagèrent. Elle ne lui sembla ni hostile, ni avenante, mais c’est précisément cette absence d’intention dans le regard qui l’intimida.
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forêt de Louc |
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Le Toûno |
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Avant d’arriver au sommet du col, Guillaume se retourna. Il voulait fixer dans sa mémoire une dernière image de son pays. Le bleu intense avait recouvré ses droits sur la voûte tendue entre les sommets saupoudrés de blanc. Le paysage avait viré à l’ocre. Novembre révélait ainsi la proportion de mélèzes peuplant les forêts, tantôt ils formaient des îlots orangés dans l’océan vert profond des arolles, tantôt ils colonisaient des versants entiers, ou alors ils émergeaient ça et là, petites tâches de miel égarées parmi les autres conifères.
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le torrent |
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On lui assigna ce mazot abandonné, situé près du torrent de Louc, en bordure de la réserve des comtes d’Anniviers. Le bébé était arrivé, une nuit. Et elle l’avait mis au monde, seule, sans comprendre exactement ce qui lui arrivait. Quelques jours plus tard, le sautier avait fait irruption. Il lui avait arraché la petite fille que jamais elle ne revit.
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Hélécha se contenta de désigner le torrent en contrebas. - L’eau courante est par ici, si messire veut bien se donner la peine… Ambroise hurlait à chaque giclée d’eau glacée. Guillaume connaissait bien la morsure paralysante du torrent de Louc qui déversait son eau de fonte des neiges dans les vasques naturelles où Hélécha l’avait jadis habitué à faire sa toilette.
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L'écureuil de la pestilence |
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Juste avant de déboucher dans la grande clairière de Louc, un mélèze se dressait au bord du chemin. Une petite forme sombre attira l’½il de Guillaume. Elle trottinait le long d’une des longues branches horizontales, s’arrêtant par intermittence, puis reprenant sa course. Le visage d’Elinode allait passer juste à la hauteur du rameau. L’écureuil semblait guetter ce moment. Lorsque soudain Guillaume remarqua que le petit animal avait les orbites vides, ses chairs étaient en putréfaction. La bête portait la pestilence en elle ou peut-être un mal pire encore.
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